Les choix et les annonces

Ce programme a été conçu comme une promenade à travers l’œuvre de DEBUSSY, promenade lumineuse et inévitable à laquelle nous invite le recueil de poèmes de François MIGEOT « DES VOIX A TRAVERS LES FEUILLES » (L’atelier du grand Tétras ) publié au printemps 2018*.


 Ce recueil, tout entier inspiré par des pièces de Debussy, répond comme en miroir au compositeur dont la musique, si souvent, a été portée par la poésie.


 Notre regard s’est posé d’un lieu à l’autre, laissant libre cours à la fuite du temps à travers les saisons, les contrées, les paysages…


Quatre voix se sont approprié les textes de François Migeot pour en restituer les couleurs, les rythmes, les accents tantôt enfantins, tantôt graves, se situant, ainsi que le suggère l’art de Debussy, dans l’évocation, à la limite du rêve, dans une gamme de sentiments allant de la tendre mélancolie à l’exaltation la plus débridée.


Quelques mélodies de Debussy et la flûte de Syrinx se mêlent aux voix parlées, célébrant le dialogue ininterrompu entre la poésie et la musique.


*François MIGEOT dédicacera son ouvrage à la sortie du spectacle


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PROGRAMME



            - SYRINX pour flûte seule


La « syrinx » n’est autre qu’une flûte de Pan. Cette pièce, créée en 1913, serait  « la dernière mélodie que joua Pan avant sa mort »


            - TROIS CHANSONS DE BILITIS pour mezzosoprano et piano


Ces trois mélodies écrites en 1897-1898 sur des textes de Pierre Louÿs imaginent un dialogue dans lequel une poétesse grecque contemporaine de Sappho parle d’amour.


                        La Flûte de Pan

                        La Chevelure

                        Le Tombeau des Naïades

         

            - CHILDREN’S CORNER, extraits (poésie et piano)


Ces pièces, toutes de sourire et d’émotion, sont dédiées par Debussy à sa « chère petite Chouchou, avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre ».


                        La neige danse

                        Jimbo’s lullaby

                        Doctor Gradus ad Parnassum



            - L’ISLE JOYEUSE


           « Dessous les paupières, un rêve avance en flot de rumeurs… »


Cette pièce, la plus développée de toutes celles pour piano de Debussy évoque, selon la tradition, « L’embarquement pour Cythère » de Watteau. Mais en fait, Cythère, c’est Jersey, l’île des amours triomphantes de Debussy et de celle qui allait devenir sa seconde femme, Emma Bardac…



            - DES PAS SUR LA NEIGE (6°prélude du 1°livre)


            « Les yeux ouverts, le monde en sourdine, comment se lever dans le jour qui hésite en sa  propre question… »


Un chant « expressif et douloureux » se pose sur un rythme qui, selon Debussy, « doit avoir la valeur sonore d’un fond de paysage triste et glacé »



            - LA CATHEDRALE ENGLOUTIE (10°prélude du 1°livre)


            « La mer tresse ses derniers reflets, le présent brûle ses derniers  vaisseaux… »


Une légende bretonne raconte que par les clairs matins où la mer est transparente, la cathédrale d’Ys, qui dort sous les flots, de son sommeil maudit, émerge parfois lentement du fond des âges…



            - LES FÊTES GALANTES (deuxième recueil)


Sur des textes très célèbres de Verlaine, Debussy a créé une musique dont l’objectif n’est pas d’accompagner ou d’illustrer, mais de renouveler l’accord entre les notes et les mots. Nimbés par les sons et les couleurs debussystes, les textes de Verlaine chantent comme jamais auparavant au plus profond de nos cœurs.


                        Les ingénus

                        Le Faune

                        Colloque sentimental



            - FEUILLES MORTES (2°prélude du 2°livre)


 « Ô souvenir, c’est ta lumière qui flotte dans nos branches… »


Revêtu d’harmonies d’un raffinement et d’une beauté presque insoutenables, ce suprême chef d’œuvre est l’écrin où Debussy a enfermé toute sa hantise angoissée de la fuite du temps et de la mort.



            - LA TERRASSE DES AUDIENCES DU CLAIR DE LUNE (7°prélude du 2°livre)


 « On monte, pleine lune, à la terrasse de mémoire… »


Ce prélude, peut-être un sommet de toute la musique, évoque une Inde rêvée, dépouillée néanmoins de tout exotisme littéral.


Le début rappelle, avec une douce ironie, les premières notes d’ au clair de la lune…



            - SOIREE DANS GRENADE (2°pièces des « Estampes »)


 « Est-ce un cœur qui approche, ou la nuit qui cortège, plus dense à chaque pas ? »


Cette pièce, d’une prodigieuse force d’évocation est en fait une torride et obsédante « habanera », dont les dernières notes laissent derrière elles comme un parfum d’Andalousie…



Du côté de chez Debussy…



Une nouvelle fois « Consonances » nous a offert à voir et à entendre, ce dimanche 7 octobre, avec son spectacle « Debussy’s corner », l’étendue de ses talents et de sa créativité. Fidèle à son orientation polyphonique, elle fit se croiser le piano de Debussy et la poésie, notamment celle de François Migeot, dans un jeu d’harmoniques successives qui convient aussi bien à l’écriture impressionniste debussyenne qu’à la poésie contemporaine : la composition verticale et linéaire y fait place à une poétique transversale de l’écho et aux effets de résonances : consonances. Il fallait bien, autour du piano (souverain), et après le passage d’une Syrinx ensorceleuse, une pluralité de voix pour créer ce réseau, voix chantée, parlée, adulte et enfantine (le siècle de Debussy ne fut-il pas aussi celui d’une redécouverte de l’enfant comme sujet doué de poésie dans son rapport au monde, ce que ne démentit pas, ce soir-là, une présence scénique magistrale!)


Dans l’entre-deux des arts, « Consonances » à nouveau conduit la littérature à ce qu’elle est : une voix. Merci pour cette (toujours plus indispensable) leçon d’écoute. A mettre entre toutes les oreilles.


(On se permettra seulement de regretter quelques applaudissements trop enthousiastes, juste après les morceaux, pour ne pas rompre ce qui donne chair aux langages : le silence et son charme.)